Paru à l’automne 2023 aux éditions Mare & Martin, l’ouvrage dirigé par Amandine Cayol et Émilie Gaillard se penche sur les épineuses questions que soulève le transhumanisme. Du “qu’est-ce ?” à “comment l’appréhender juridiquement ?”, les deux professeures s’attellent avec brio à une tâche ardue : nous éclairer.

Tout part d’un simple constat. Actuellement, l’un des défis majeurs du droit est le transhumanisme. Lequel recouvre l’émergence des robots, l’intelligence artificielle (IA) et la modification de l’humain. Habituellement sujet des romans d’anticipation, il s’inscrit dans le réel depuis quelques décennies. Ce que les auteurs de ce livre nous rappellent sans attendre, nous plongeant dès les premières pages dans les dernières expériences menées par des scientifiques et des inventeurs de tous bords. L’humain augmenté existe déjà. Pensez aux pacemakers qui relancent les cœurs défaillants. Ou encore aux prothèses qui dotent une personne d’un membre qui leur fait défaut. Les jeux paralympiques en sont la preuve éclatante. La science va même désormais encore plus loin, soulignent les autrices, avec les recherches sur la modification du génome humain, une modification transmissible à la descendance.

Quant aux robots et à l’IA, c’est imaginer un monde sans leur présence qui relève désormais de la science-fiction. Ils font déjà partie de notre quotidien et nous avons presque tendance à les humaniser. Qui ne s’est jamais adressé à Alexa, Siri ou à l’assistant Google à grand renfort de “s’il te plaît” et de “merci” ?

Humain par destination

Améliorer l’humain et humaniser les robots : voilà les objectifs des défenseurs du transhumanisme. À l’heure où l’enthousiasme des uns (modérés comme extrêmes, à l’instar des techno-solutionnistes) s’entrechoque aux craintes des autres, l’ouvrage propose d’interroger les principes fondamentaux du droit pour appréhender les conséquences du transhumanisme.

Divisé en cinq chapitres – les personnes, la responsabilité, la propriété, les droits fondamentaux et la souveraineté –, ce livre présente un panorama qui, s’il ne peut être parfaitement exhaustif, se veut aussi large que possible. Faut-il créer une personnalité juridique des robots et des intelligences artificielles sui generis ou les soumettre au régime de la personnalité morale ? Peut-on admettre qu’il y ait des personnes humaines par destination à l’instar d’un immeuble par destination ? Quel régime de responsabilité préférer entre la responsabilité du fait des choses, celle des parents du fait de leurs enfants ou encore celle du fait des animaux ? Doit-on réinventer les règles de droit de propriété sur son propre corps ? Peut-on contrer l’avènement du transhumanisme en soulevant le droit des générations futures ou par la création de droits de l’Humanité ?

Autant d’interrogations dont les réponses amènent elles-mêmes à se poser de nouvelles questions... Une justesse d’analyse appréciable tout au long de l’essai... Les autrices, accompagnées de huit professeurs et chercheurs en droit, entraînent le lecteur dans une épopée juridique, scientifique, sociale et culturelle de laquelle on ne ressort pas indemne. Rappelant certaines règles fondamentales de notre droit, ce livre satisfera non seulement votre curiosité, mais pourra être également consulté autant de fois que vous en aurez envie.

Chloé Lassel

Les grandes notions du droit à l’aune des transhumanismes dirigé par Amandine Cayol et Émilie Gaillard, Mare & Martin, 334 pages, 27 euros