Malgré le contexte économique incertain, Contentsquare, le spécialiste des comportements d’utilisateurs de sites web et d’applications, fait partie des licornes qui ont encore le vent en poupe. Après s’être séparée de 4 % de ses effectifs l’an passé, elle s’inscrit désormais dans une logique de croissance efficace afin de consolider ses fondamentaux. Nicolas Fritz, chief people and operations officer, nous en parle.
Nicolas Fritz (Contentsquare) : "Les licornes peuvent lever des sommes équivalentes à celles des marchés publics"
Décideurs. Vous avez obtenu le statut de licorne en 2020. Était-ce un objectif ?
Nicolas Fritz. Être une licorne n’était pas notre ambition première. Nous voulons développer Contentsquare pour devenir un leader mondial, construire le Salesforce de notre industrie. Pour cela nous devons investir et donc mécaniquement lever des fonds. Par conséquent, cela fait de nous une licorne mais, en réalité, nous nous sommes aperçus que nous l’étions devenus en lisant un article plutôt qu’en poursuivant ce but. Ce qui est intéressant avec ce statut, c’est la reconnaissance et l’accompagnement très utile dont nous bénéficions, que ce soit par Bpifrance, le gouvernement ou à travers le Next40. La médiatisation nous ouvre également des portes pour parler de notre métier qui reste encore assez méconnu.
Vous envisagez la possibilité de lancer une IPO. Pourquoi ?
Étant donné la taille de l’entreprise, nous avons activé l’option IPO. Il s’agit bien sûr d’une hypothèse parmi d’autres et pas d’une porte de sortie. Nous préparons le futur de Contentsquare. L’objectif de notre fondateur et CEO n’est pas de "faire un coup" mais de rester maître de son destin et de s’inscrire dans la durée avec un objectif de croissance ambitieux. Il n’a jamais travaillé ailleurs que chez Contentsquare et n’envisage pas d’aller autre part. Réfléchir à une introduction en Bourse oblige à se structurer et nous pousse vers l’excellence. Nous pourrions aussi décider de nous autofinancer ou de faire appel au marché des capitaux privés que nous sondons régulièrement. Les licornes peuvent lever des sommes équivalentes à celles des marchés publics.
"Aujourd’hui notre taille critique nous oblige à travailler sur notre durabilité"
En 2022, vous leviez 600 millions de dollars. Aurez-vous bientôt besoin de cash ?
Nous nous sommes bien financés et au bon moment sur le marché privé. Nous avons eu de la chance, diront certains, en sécurisant notre futur. Nous disposons encore aujourd’hui de quoi porter notre stratégie de développement organique et de M&A. Notre objectif ? Être profitable de manière à ne pas avoir à relever de l’argent si nous considérons que le marché n’est pas bénéfique.
Peut-on faire de l’hypercroissance et de la croissance rentable dans le même temps ?
Non. C’est soit l’une, soit l’autre. Lors de nos dernières levées de fonds, le marché attendait de l’hypercroissance de la part des start-up. Aujourd’hui, les attentes sont différentes. Pour nous, cela s’est bien passé et le marché du capital investissement nous a permis de faire de l’hypercroissance. Aujourd’hui notre taille critique nous oblige à travailler sur la durabilité. Il s’agit de passer d’une logique de croissance forte à une logique de croissance ciblée et efficace de manière à assurer la pérennité de l’entreprise.
Cette nouvelle stratégie est donc due à votre niveau de maturité mais aussi à un contexte économique moins avantageux ?
Oui. C’est à la fois le moment pour nous et une stratégie accentuée par le contexte économique. Cela faisait quelques années que nous enregistrions une croissance à deux chiffres. Nous étions obligés de répartir les efforts et nous nous concentrions sur la croissance. En période de crise ou de ralentissement, il faut saisir les opportunités. Le marché se tend : il convient de se renforcer en testant et améliorant nos process internes, pour aller vers plus d’efficacité. Nous sommes également dans une période de consolidation de notre secteur. Le contexte actuel permet de se rapprocher de concurrents ou de s’attaquer à des marchés connexes. C’est ce que nous avons fait en bouclant en 2023 notre plus grosse acquisition avec Heap, leader du Product Analytics.
Propos recueillis par Olivia Vignaud