Réputé pour sa pratique reconnue du contentieux commercial et du droit pénal des affaires, Verger Avocats a construit son portefeuille de clients sur les compétences de son fondateur et son parcours professionnel initial en tant que consultant au sein du monde de l’entreprise. La boutique peut ainsi se positionner comme un véritable partenaire qui endosse le rôle de direction juridique externalisée.

Décideurs. Pourquoi avoir fait le choix de cette double casquette civile et pénale ?
Benoît Verger. On peut s’étonner de cette double spécialité. La majorité des cabinets de taille similaire se spécialise dans l’une ou l’autre. C’est en réfléchissant à mon parcours où j’abordais de front ces deux thématiques que j’ai me suis rendu compte de leurs caractères complémentaires. C’était également l’occasion de m’aligner sur le positionnement que j’aspirais à avoir pour mon cabinet. Je souhaitais me concentrer sur les entreprises qui recherchaient un interlocuteur juridique unique capable de les défendre mais également de les prévenir. Ce point est important et c’est sans doute un héritage de ma première expérience professionnelle en tant que consultant : identifier les problèmes et les résoudre. Nombre d’entreprises ne déploient pas les dispositifs permettant d’identifier et de prévenir les risques de contentieux. C’est un véritable sujet de transformation.

C’est en partant de ces différentes expériences que j’ai compris que la solution était de leur proposer une forme de direction juridique externalisée ayant des compétences sur ces deux thématiques. Ce qui permet aux entreprises de traiter toutes leurs problématiques de précontentieux et contentieux commercial liées au day-to-day business mais aussi d’intervenir de manière ponctuelle sur les situations les plus stressantes inhérentes au droit pénal des affaires.

 

"Le cercle vertueux est bouclé : passer d’un statut de prestataire ponctuel à celui de partenaire quotidien avec un abonnement" 

 

Comment cette double connaissance nourrit-elle votre pratique ?
Outre le fait de nourrir ma pratique, cette réflexion m’a permis de repenser le positionnement de l’avocat en contentieux. Quand on incarne une boutique comme la mienne, il convient de réfléchir à sa ­différenciation et à sa valeur ajoutée. Au regard de la taille des entreprises que nous suivons, le contentieux commercial et/ou pénal est systématiquement suivi de près par la direction générale. C’est un peu la stratégie du pied dans la porte. Nous répondons présents sur un dossier, apportons nos forces et notre valeur ajoutée pour devenir LE nouveau partenaire de confiance de ces entreprises de taille petite ou moyenne. Le cercle vertueux est bouclé : passer d’un statut de prestataire ponctuel à celui de partenaire quotidien avec un ­abonnement. 

Cette connaissance des règles de procédure civile et pénale nous permet d’assurer ­finalement un accompagnement juridique et judiciaire complet sur l’ensemble de leurs dossiers. Une offre au long cours qui permet aussi à l’avocat de se familiariser avec les problématiques sectorielles de son client. Outre le fait d’avoir une direction juridique délocalisée, notre client gagne aussi en prévisibilité en matière de facturation.

Estimez-vous sortir du cadre purement judiciaire, souvent adossé au statut d’avocat contentieux ?
Oui et je pense même qu’il faut déjudiciariser le rôle de l’avocat contentieux qui est souvent étiqueté comme exclusivement l’assistance devant les tribunaux. Il convient aujourd’hui de l’extirper de ce système classique d’assignation et de contre-assignation. L’avocat judiciaire peut s’adapter et se montrer parfaitement apte au conseil, à la formation et à la prévention du risque civil et pénal. Quelle que soit l’échelle de l’entreprise, il faut l’aider à identifier et cartographier les process. Prenons un exemple tangible : le risque Hygiène, Sécurité et Environnement (HSE) souvent considéré comme complexe pour les employeurs en raison de la multitude de normes et d’obligations strictes qui s’imposent. Pour l’appréhender, il existe un outil de gestion juridique qui est la délégation de pouvoir. C’est un principe qui permet de rapprocher le centre de décision et de responsabilité du lieu d’exécution. En tant qu’avocats, nous avons alors l’obligation de sensibiliser, d’expliquer et de former les clients qui n’ont ni le temps ni les compétences en interne sur ces questions juridiques.

En parallèle, cela peut même aller plus loin avec un accompagnement sur les perquisitions, l’inspection du travail et/ou devant toute autorité compétente. Une chose est certaine : on voit bien que cette question de la formation du client se démocratise davantage au sein des jeunes cabinets. C’est encore incomplet selon moi. Il faut aller au-delà. Aller plus loin.

 

"Je refuse les dossiers qui ne vont nulle part, convaincu qu’un non-client satisfait prime sur un client insatisfait"

 

 

Aller au-delà. C’est-à-dire ?
Je me situe peut-être à contre-courant de la majorité de mes confrères sur l’idée même de spécialisation. Je crois à une approche protéiforme de notre métier. Aujourd’hui, à l’heure où l’on a à portée de main une surabondance d’outils numériques, nous ne sommes plus dans la même approche du métier. Si vous savez vous poser les bonnes questions, vous pouvez trouver les bonnes réponses. Si l’on devait toutefois émettre un bémol, ce serait celui de conserver l’indépendance de l’avocat. Incarner la direction juridique externalisée d’une entreprise ne signifie pas renoncer à sa liberté de ton. Cette indépendance nous permet de dire des choses à la direction, bien plus qu’un salarié ne pourrait le faire. Les personnes qui viennent me voir cherchent une relation qui leur permette de discuter à bâtons rompus.

Il faut repenser le rôle de l’avocat et de sa communication qui se doit d’être transparente et sans filtre. Je refuse les dossiers qui ne vont nulle part, convaincu qu’un non-client satisfait prime sur un client insatisfait.

Vous faites également mention du recours à la technologie. De quels outils parlez-vous ?
Il existe des outils qui ont bouleversé notre manière de fonctionner. Il s’agit des bases de données proposant une compilation des jurisprudences. Lesquelles ont complètement changé mon approche du contentieux judiciaire. J’ai toujours pensé qu’il fallait donner envie au juge de nous donner raison. Outre les éléments de fond naturellement, il est nécessaire que nos écritures s’apparentent le plus possible à une prérédaction du jugement. Il faut donc comprendre comment écrit, pense et a déjà jugé le magistrat qui s’occupera de notre dossier. C’est de la stratégie, comme le fait un candidat avant un entretien d’embauche. Convaincre un magistrat repose aussi bien sur les éléments du dossier que sur ce que vous savez de lui. À cet effet, ces bases de données sont des mines d’or qui permettent d’imbriquer la logique des décisions rendues par le passé avec l’histoire que vous souhaitez raconter aujourd’hui.

Que pensez-vous de l’essor de l’IA pour le métier d’avocat ?
Pour être tout à fait franc, je suis assez circonspect sur l’intelligence artificielle, au sens de la numérisation des arguments judiciaires par exemple. Il reste à la nature humaine cette capacité à problématiser et créer des ponts. S’ils ne nous remplaceront pas, ces outils nous permettent toutefois de nous mettre à la place de nos interlocuteurs. Pendant des siècles, l’avocat ne s’est vu qu’à une seule place : la sienne, avec parfois un sentiment de supériorité qui lui sera reproché par les magistrats mais aussi par ses clients. Cette période est aujourd’hui révolue. À tort ou à raison, l’avocat doit évoluer. Partenaire de ses clients, il doit désormais s’intéresser à la psychologie et au parcours des magistrats qui lui font face. Juge d’instruction, magistrat du siège dans une chambre correctionnelle, juge pour enfants… Eux aussi évoluent au fil de leur carrière et un large pan de notre raisonnement doit le prendre en compte. J’ai quelques dossiers en tête dans lesquels aucune des plaidoiries, aussi belles étaient-elles, ne prenait en compte le parcours et les connaissances du magistrat.

La plaidoirie est souvent vue comme l’apanage de l’avocat. Doit-elle elle aussi évoluer ?
En l’absence de procédure écrite, la plaidoirie a complètement sa place. Il convient cependant de démythifier son rôle devant le tribunal correctionnel qui juge sur la base d’une procédure écrite. Les arguments sont posés par écrit et les pièces sont versées au dossier. Lorsque nous arrivons au stade de la plaidoirie, les conclusions ont déjà été déposées et le dossier a été instruit à l’audience. Si elle demeure importante dans les dossiers jugés en correctionnel, elle ne peut s’arroger une place au détriment de l’information judiciaire qui reste le moment où l’avocat en contentieux fait appel à sa créativité. Nous ne pouvons pas simplement attendre les audiences mais, à l’inverse, devancer le contentieux futur.