Les possibilités de mise en cause de la responsabilité civile et pénale des mandataires sociaux (RCMS) se sont accrues ces dernières années, en parallèle de l’émergence de nouveaux risques, notamment cyber et environnementaux, qui rendent très opportune la souscription d’une assurance couvrant la responsabilité des dirigeants.

Les mandataires sociaux concentrent sur leur tête la responsabilité découlant des activités de leur entreprise. Outre la société et les associés pour un préjudice propre, tout tiers peut en effet engager la responsabilité personnelle des dirigeants, sur le plan civil, dès lors qu’il démontre contre le dirigeant "une faute séparable de ses fonctions et qui lui soit imputable personnellement1". 

Le risque pénal est par ailleurs inhérent à la responsabilité personnelle des mandataires. Ils sont notamment susceptibles d’être mis en cause, par principe en raison de délégations de pouvoir, mais aussi au regard du mouvement amorcé par les procédures de conformité. Les autorités judiciaires, en particulier, attendent que les enquêtes internes identifient les responsabilités individuelles. Les Conventions judiciaires d’intérêt public peuvent aussi amener à opposer une personne morale à ses anciens dirigeants, voire à son dirigeant, puisque les personnes physiques ne peuvent en bénéficier. 

Les tribunaux tendent clairement à aggraver la responsabilité des dirigeants : la Chambre criminelle juge que la responsabilité civile personnelle du dirigeant à l’égard des tiers n’est pas subordonnée à la commission d’une faute détachable des fonctions2 et la chambre commerciale que "le dirigeant qui commet une faute constitutive d’une infraction pénale intentionnelle, séparable comme telle de ses fonctions sociales, engage sa responsabilité civile à l’égard des tiers à qui cette faute a porté préjudice3".

La couverture du risque D&O permet de préserver les ­organes de direction et protéger l’image de l’entreprise, en facilitant la gestion de crise

Les risques accrus de mise en cause de la responsabilité personnelle des dirigeants

Ce contexte judiciaire favorable s’accompagne d’un contexte environnemental et sécuritaire risqué.

Le mandataire doit en effet exercer sa mission conformément à ­l’intérêt ­social, ce qui, depuis la loi du 22 mai 2019 (loi Pacte) sous-tend de "prendre en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité"4.  

La loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique a, en outre, prévu de nouveaux délits environnementaux, tels que les délits de mise en danger de l’environnement, de pollution des milieux, d’écocide ou de "greenwashing". La volonté d’accroître une approche répressive en matière environnementale – notamment par une action mieux coordonnée entre acteurs judiciaires et administratifs dans le cadre des nouveaux Colden et par une meilleure information des parquets – constitue également un changement que les entreprises doivent anticiper. L’ensemble des nouvelles dispositions relatives à la publication extrafinancière (article L.225-102-1 et suivants du Code de commerce et directive CSRD du 28 novembre 2022 sur la publication du plan de vigilance) et le devoir de vigilance (directive CSDD du 1er décembre 2022) ont également vocation à devenir le terreau de fautes de gestion des mandataires sociaux – même si à ce jour la pratique du "Say on Climate" a été retirée du projet de loi industrie verte.

Toute inaction des dirigeants quant à la prévention des risques inhérents au changement climatique et à la sécurité informatique (cyber) peut également engager leur responsabilité personnelle.

Les associations, intervenant notamment en matière de protection de l’environnement ou d’atteinte à la probité, peuvent enfin initier des procédures pénales ou civiles.

Le risque pénal peut être anticipé par de nombreuses solutions : cartographie des risques, délégations de pouvoir, formations des cadres et des salariés, enquêtes internes, procédures en cas de visite domiciliaire ou de perquisition…

Néanmoins, au vu des risques financiers accrus qui pèsent sur leur patrimoine personnel et à défaut de protection financière spécifique offerte par l’entreprise (les captives RCMS sont quasi inexistantes), ­l’opportunité pour les dirigeants de couvrir en sus leur responsabilité personnelle est réelle.

L’intérêt du contrat d’assurance responsabilité civile des mandataires sociaux (RCMS)

Le contrat d’assurance RCMS est souscrit par la société pour son propre compte et pour le compte de qui il appartiendra.

La société est débitrice du paiement de la prime, ce qui présente un intérêt direct pour les dirigeants. Dans le cas de la prise en charge par la société elle-même des frais engagés pour les défendre, la question d’un abus de biens sociaux se pose nécessairement. Les tribunaux vérifient que les frais ont été engagés dans l’intérêt de l’exploitation de la société et non dans celui de son dirigeant5. Le versement de la prime du contrat RCMS, en revanche, ne saurait être qualifié de contraire à l’intérêt social, dès lors notamment que l’aléa du contrat d’assurance subsiste.

La Police RCMS étant le plus souvent souscrite en base réclamation, les anciens dirigeants sont inclus dans les personnes assurées. Le sinistre est ainsi couvert au titre de la période de garantie en cours au jour de la réclamation, même s’il concerne un dirigeant ayant quitté ses fonctions, sachant que, comme toute police de responsabilité civile gérée en base réclamation, cette dernière prévoit (i) une reprise du passé inconnu (ii) une période de garantie subséquente permettant une mobilisation de la garantie même postérieurement à la résiliation du contrat d’assurance.

La faute intentionnelle de l’assuré, qui est inassurable au titre de l’article L. 113-1, al. 2 du Code des assurances en ce qu’elle implique la volonté de créer le dommage tel qu’il est survenu, ne réduit pas l’intérêt de l’assurance RCMS. 

En effet, si l’un des éléments de la responsabilité civile du dirigeant est le caractère intentionnel de sa faute détachable, il reste qu’il est rarissime qu’il puisse être démontré que le dirigeant a voulu créer le dommage tel qu’il est survenu. Bien que les amendes pénales ne soient jamais couvertes, l’assurance RCMS reste donc tout à fait pertinente, même en cas d’infractions pénales intentionnelles.

Enfin, la plupart des assureurs laissent la direction du procès aux mains de l’assuré, sous réserve pour lui de se soumettre à une obligation de se défendre.

Dans ces conditions, il est fort probable que le nombre de souscriptions de police D&O va s’accroître dans les années à venir, les mandataires sociaux y ont tout intérêt.

1 Cass.com., 22 janv.1991, n°89-11.650

2 Cass.crim., 5 avril 2018, n°16-83.984 et 16-87.669 ; Cass.crim, 24 oct.2018, n°17-84.569

3 Cass.com., 28 sept.2010, n°09-66.255

4 Article 1833 du Code civil : "Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité."

5 Cour administrative d’appel de Paris, 9 juin 2021, 20PA01202

 

LES POINTS CLÉS
  • Les mandataires sociaux sont confrontés à une expansion du risque de mise en cause de leur responsabilité civile et pénale personnelle, y compris postérieurement à leur mandat ;
  • il est dangereux pour une société de conserver à sa charge un risque aussi difficilement évaluable ;
  • les polices RCMS permettent de placer ce risque auprès d’un assureur qui prendra en charge les frais de défense et les dommages et intérêts prononcés ;
  • la prise en charge de ces frais permet de prévenir les difficultés liées à la dynamique propre aux procédures pénales et aux conflits d’intérêts qui en découlent.

 

SUR LES AUTEURS

Emmanuel Gouesse concentre son activité en droit pénal des affaires ; il accompagne dirigeants et sociétés tant face aux situations de crise que pour assurer la prévention des risques.

Catherine Popineau-Dehaullon dirige l’activité responsabilité civile et assurances de PBA Legal.

Ils travaillent ensemble sur les dossiers mêlant responsabilité civile et risques pénaux.

Domitille Pozzana intervient depuis dix-sept ans en construction et en droit des assurances. Elle a tourné sa pratique vers les nouveaux risques, dont les enjeux climatiques et environnementaux.

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