Fort de compétences dans l’énergie, le transport et les infrastructures, Watson Farley & Williams s’est implanté dans quinze pays depuis 1982. Ouvert en 2022 à Paris, le département contentieux dirigé par Franck Poindessault accompagne ses clients grâce à un savoir-faire reconnu sur le volet civil et commercial, en arbitrage et en droit des assurances.

Décideurs. Où situez-vous la place du contentieux au sein des entreprises ? 
Franck Poindessault.
Le contentieux est multiple dans nos sociétés contemporaines. Comme ces dernières se juridicisent de plus en plus dans un contexte d’inflation législative et réglementaire, le risque contentieux est partout : au sein de l’entreprise (contentieux sociaux, d’actionnaires, boursiers), avec les partenaires et les acteurs économiques, mais aussi dans le cadre d’actions en indemnisation, ou de contrôle/répression auprès des autorités administratives et des juridictions pénales. Ce risque est multifacette, car toute action ou inaction peut être matière à contentieux. À titre d’exemple, le nouveau risque climatique peut générer différents types de contentieux pour "sanctionner" le non-respect de normes administratives ou pénales, "réparer les dommages" résultant du préjudice écologique (article 1246 du Code civil), du non-respect du devoir de vigilance prévu (article L. 225-102-5 du Code de commerce), d’informations ou engagements unilatéraux perçus comme trompeurs dès lors qu’ils ne refléteraient pas suffisamment la réalité ou le coût écologique.

Milan Sikyurek. Outre l’aspect juridictionnel, les risques contentieux exposent également les entreprises à un autre tribunal : le tribunal médiatique. Une étude récente de la London School of Economics a illustré l’impact réputationnel du risque contentieux en démontrant que la seule annonce d’un procès en la matière suffit à faire baisser les cours de la Bourse. De plus, le risque contentieux ne se cantonne pas à la personne morale, car les personnes physiques y sont de plus directement et personnellement exposées. Si la gestion du contentieux doit être organisée sous l’égide d’un directeur contentieux, le sujet mérite clairement la plus grande attention de la direction générale.

"Par ailleurs, les parties peuvent recourir à de nouvelles solutions de financement apportées par les sociétés de financement de procès qui ont récemment investi le marché français"

La multiplication du droit souple a-t-elle un impact sur l’évolution du contentieux ? 
M. S.
Pour apprécier les risques, il est commun de distinguer le droit souple qui vise à répandre les bonnes pratiques en laissant la possibilité aux entreprises de s’y conformer, ou d’expliquer pourquoi ces pratiques ne sont pas adaptées pour elles, et le droit dur qui s’applique sans possibilité d’aménagement (dura lex sed lex). Cela permet de faire la différence entre les services relatifs à la prévention des sinistres (le droit souple) et les services associés à la gestion du sinistre (le droit dur). Mais c’est assez limité, car notre pratique nous fait mesurer combien la frontière entre droit dur et droit souple est poreuse.

F. P. Raisonnons avec l’exemple des risques liés à la corruption, que nous traitons en pratique dans des missions de conformité à la Loi Sapin 2. Ce dispositif de prévention est légal, donc du droit dur, mais explicité par les recommandations de l’Autorité française anticorruption, donc du droit souple. En outre, la soumission est obligatoire (donc du droit dur) pour les entreprises qui répondent à certains critères de taille (nombre de salariés et chiffre d’affaires), mais non obligatoire pour les autres (donc du droit souple), sauf si ces autres entreprises ont rencontré des "problèmes de probité" à l’issue desquels elles se voient imposer l’obligation de se conformer à la loi Sapin 2 (donc du droit dur). Par ailleurs, la mise en œuvre d’un dispositif efficace de lutte contre la corruption relève de la responsabilité de la direction générale. C’est-à-dire que la responsabilité personnelle des dirigeants peut être recherchée du seul fait de la mauvaise mise en œuvre de Sapin 2 – même en l’absence de corruption avérée. Pour parodier Paul Féval, si le décideur ne va pas au-devant du risque contentieux, c’est le contentieux qui viendra à lui !

"Si la gestion du contentieux doit être organisée sous l’égide d’un directeur contentieux, le sujet mérite clairement la plus grande attention de la direction générale"

L’arbitre est souvent opposé au juge judiciaire : lequel faut-il choisir ? 
M. S.
La question du choix de la juridiction n’est pas neutre. Elle se pose immédiatement, c’est-à-dire dès le stade de la rédaction de la clause attributive de juridiction. Outre les aspects territoriaux et les préférences locales, le choix entre une juridiction judiciaire et une juridiction arbitrale procède souvent de choix stratégiques essentiels. Pour vous donner un exemple, notre cabinet intervient actuellement dans le cadre du plus grand chantier minier actuel (Simandou en Guinée) qui nécessitera la construction d’infrastructures portuaires, ferroviaires et routières favorisant le développement économique du pays : dans ce type de projets, le recours à l’arbitrage est une condition de faisabilité de l’opération, les investisseurs internationaux n’acceptant pas de se soumettre à la juridiction étatique de leur contractant. Mais même dans des contentieux plus classiques entre entreprises, différentes raisons peuvent conduire nos clients à privilégier l’arbitrage.

F. P. Malgré la plus grande spécialisation des juridictions judiciaires, qui favorise une plus grande compétence des juges, ces derniers n’ont souvent pas assez de temps et de moyens pour appréhender de manière complète le dossier. Et pour les aspects techniques, ils s’en remettent souvent aux conclusions de l’expert judiciaire qu’ils auront désigné. À l’inverse, l’arbitrage permet aux parties de composer un tribunal arbitral disposant de l’ensemble des compétences techniques et juridiques suffisantes pour appréhender lui-même l’entier contentieux qui lui est soumis. Une idée des différences qui séparent ces deux types contentieux peut être donnée avec la comparaison de la durée des audiences: nous sommes régulièrement saisis de dossiers d’arbitrage qui nécessitent une semaine d’audience, offrant ainsi aux avocats la possibilité de plaider dans le détail leurs positions et d’interroger ou contre-interroger les témoins et les experts intervenant au soutien des positions des parties. Si ces dossiers avaient été orientés vers des tribunaux de commerce, ils n’auraient vraisemblablement pas été plaidés plus d’une heure. Ce n’est donc pas la même qualité de justice, mais il est vrai que ce n’est pas non plus le même coût.

"Malgré la plus grande spécialisation des juridictions judiciaires, qui favorise une plus grande compétence des juges, ces derniers n’ont souvent pas assez de temps et de moyens pour appréhender de manière complète le dossier"

Pour éviter un coût et une durée trop importants des contentieux, qu’est-ce qui peut remplacer le contentieux ?

F. P. La durée et le coût d’un procès, arbitral ou judiciaire, sont bien sûr à prendre en compte dans le cadre de la gestion des risques contentieux. Et il est légitime qu’une entreprise qui ne peut ou ne souhaite pas supporter la charge d’un contentieux recherche une autre solution. La première piste est d’éteindre le contentieux en recourant à des process de règlements transactionnels pour favoriser la solution amiable, comme la conciliation ou la médiation. Cependant, et tout en sachant qu’un mauvais compromis vaut mieux qu’un bon procès, on ne peut pas forcer des parties à transiger lorsqu’elles ne sont pas d’accord.

La deuxième piste est le transfert du risque contentieux. Plusieurs instruments peuvent être envisagés. La solution classique de l’assurance permet de transférer des risques contentieux à l’assureur. L’assurance peut être un outil efficace de gestion des risques contentieux auxquels sont exposés tant l’entreprise que ses dirigeants dont la responsabilité personnelle peut être couverte par les garanties dites d’assurances RCMS pour Responsabilité civile des mandataires sociaux. À titre d’illustration, dans le cadre des opérations de M&A, le risque qu’un contentieux naisse en raison d’informations erronées sur les actifs ou les passifs de la cible peut être transféré à l’assureur, dans le cadre des assurances dites de garanties d’actifs et/ou de passifs.

Par ailleurs, les parties peuvent recourir à de nouvelles solutions de financement apportées par les sociétés de financement de procès qui ont récemment investi le marché français. Ces sociétés peuvent ainsi financer le contentieux en proposant plusieurs formules, dont la possibilité de verser à la partie financée une avance sur les montants à recouvrer, qui seront ensuite partagés avec le financeur. Mais le recours à l’assurance ou à un tiers financeur ne fait pas disparaître le risque contentieux: en pratique, ce risque se sera réalisé, mais il sera alors partagé et pleinement maîtrisé.

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