Conscient de l’enjeu majeur que représente l’intelligence artificielle pour le métier de traducteur, Fabien Bernier et ses associés, cofondateurs de Legal 230, ont imaginé Alan, un service hybride combinant IA et savoir-faire de traducteurs juridiques experts. Il partage sa vision du métier et les difficultés auxquelles les agences de traduction sont confrontées.

Décideurs Juridiques. Legal 230 a été fondé en 2020. Quelle évolution observez-vous ?
Fabien Bernier.
Nous avons connu une très forte croissance. Ce n’était pas évident parce qu’en 2020, notre offre qui combinait l’intelligence artificielle et traduction ne faisait pas l’unanimité auprès des avocats. Nous avons offert des centaines de tests de quelques pages de traduction avec notre solution Alan (qui combine IA et relecture par un traducteur) à des avocats. Ces derniers se sont aperçus que le résultat de notre méthode était aussi qualitatif qu’une traduction par un traducteur juridique et que cela était 30 % à 40 % moins cher.

Le bouche-à-oreille entre cabinets d’avocats et notre important travail commercial a fait le reste. Notre ambition reste d’être numéro un sur le marché de la traduction juridique, de continuer à développer d’autres bureaux européens.

Vous avez créé votre propre outil d’intelligence artificielle, Alan. Pourquoi et comment cela a-t-il modifié votre pratique ? 
J’ai toujours eu une appétence pour la tech et venant du monde de la traduction, les deux envies se sont concrétisées avec la création d’un outil d’intelligence artificielle de traduction. Le marché de l’intelligence artificielle était de surcroît en train de se développer, nous avons saisi l’occasion.

L’idée était la suivante : mettre la technologie au service de nos clients et, comme double enjeu, traduire beaucoup plus vite tout en réduisant les coûts pour le client. Les avocats doivent, dans le cadre de leurs procédures, faire traduire un certain nombre de documents par des traducteurs juridiques. Or, ce sont des frais non directement liés au juridique qu’ils pourraient s’éviter. L’urgence étant un autre des prérequis, il s’agissait de trouver un moyen de pouvoir traduire rapidement, sans perdre en qualité.

 

"Le vrai enjeu aujourd’hui c’est l’intégration de l’IA tout en gardant le même niveau d’exigence en termes de qualité"

 

Utiliser l’intelligence artificielle pour la traduction juridique pose des questions en matière de confidentialité des données et en matière de précision de la traduction. Comment envisagez-vous cela ?
Sur la question de la confidentialité et de la sécurité des données, toutes les informations que nous fournissons à l’IA sont anonymisées. D’autre part, nous avons une norme ISO 27001 avec un hébergement en France et un plan de reprise d’activité en cas de problème informatique afin que nos clients puissent retrouver tous leurs documents. Nous avons également un délégué à la protection des données en interne qui veille au respect de toutes les exigences émises par la Cnil sur le Règlement ­européen de protection des données.

Pour ce qui est de la précision de la traduction, notre outil fournit un document traduit à 80 % de fiabilité. Il y a une double vérification en amont et en aval du passage par l’intelligence artificielle. Avant ce passage, le document est relu par une première personne. En deuxième lieu, un traducteur spécialisé dans le domaine juridique du document à transcrire relit la pièce traduite par l’IA et vérifie notamment l’exactitude de tous les termes juridiques. Enfin, le texte est relu une troisième fois par une personne chargée du contrôle de qualité.

Quels sont selon vous les prochains enjeux auxquels la traduction juridique va être confrontée ?
Le vrai enjeu aujourd’hui c’est l’intelligence artificielle. Certaines agences ne veulent ou ne peuvent pas suivre le mouvement lancé par l’IA et continuent de ne proposer que des formules avec traduction par un traducteur humain. La tendance du marché allant vers une diminution des coûts, une dématérialisation et une numérisation, ces agences sont mécaniquement vouées à disparaître d’ici quelques années. Pour continuer à exister, les traducteurs doivent transformer leur métier.

Le second défi tient à l’évolution des mentalités de nos clients vers davantage de digitalisation de la traduction. Nous essayons de mettre en œuvre des plateformes complètement fermées pour faciliter la rapidité et l’efficacité des échanges. Le problème que l’on rencontre tient à notre typologie de clients : les avocats issus de l’ancienne génération, qui sont les décideurs dans le processus, sont un peu réticents. Toutefois, ce conflit générationnel recule progressivement. Les cabinets d’avocats utilisent désormais quasiment tous des outils de la legaltech, notamment Doctrine. Les avocats ont réalisé que tous ces outils leur permettaient d’être plus rapides, plus efficaces, ou bien ont observé le phénomène chez leurs concurrents, ce qui les a poussés à se convertir à ces nouvelles technologies.

Pour prendre notre exemple, quasiment la moitié de nos clients nous demandent directement la solution Alan (IA et relecture par un traducteur), qui est pour eux le bon compromis entre la qualité et prix.

 

"Le second défi tient à l’évo­lution des mentalités de nos clients vers davantage de digitalisation des processus de traduction"

 

Dans cette perspective, comment envisagez-vous votre avenir ? Pensez-vous perfectionner votre outil d’IA ou développer d’autres aspects de votre activité ?
Notre outil est aujourd’hui capable de traduire en sept langues : français, anglais, néerlandais, portugais, espagnol, italien et arabe. Cette année, nous avons l’ambition de développer toutes les autres langues de l’Union européenne. Un autre vecteur de croissance réside dans le développement à l’international et nous essayons à cet effet d’implanter notre activité en Espagne où les besoins sont importants. Enfin, l’association avec d’autres acteurs du droit comme les legaltechs par exemple constitue également un facteur de progression. 

Comment le contexte géopolitique ­influence-t-il votre activité ?
Avec le conflit russo-ukrainien, les demandes de traduction vers ces deux langues ont largement augmenté. D’autre part, les relations internationales étant un peu tendues entre la Chine et l’Europe, nous avons moins de demandes de traduction vers le chinois.

En période pré-électorale, notre activité est fortement diminuée, les opérations de M&A, les levées de fonds diminuent drastiquement, les investisseurs étant dans l’attente de savoir qui va être au pouvoir et quelle politique va s’appliquer.

Autre exemple qui illustre cette dépendance au contexte politique du métier de traducteur : quand Emmanuel Macron a annoncé un fonds de 2 milliards d’euros pour la levée de fonds pour la french tech, nous avons eu beaucoup de traductions relatives à des investissements internationaux dans ce secteur.

Pour ces raisons, nous diversifions au maximum notre clientèle avec des directions juridiques, notaires, et huissiers de justices, ceci nous permettant de limiter au maximum ces effets.

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