Vae Solis, l'un des acteurs historiques de la communication de crise judiciaire en France, vient de s’offrir un nouveau talent : Céline Clément-Petremann. Celle qui a commencé sa carrière dans une radio locale corse pour ensuite devenir directrice de la communication du Parquet national financier nous parle de son parcours et des enjeux de sa fonction.

Décideurs juridiques. Vous venez de rejoindre Vae Solis comme directrice conseil. Comment êtes-vous devenue spécialiste de la communication de crise judiciaire ?

Céline Clément-Petremann. Vae Solis est venu me chercher, ce que j’ai trouvé enthousiasmant et valorisant. C’est un acteur historique de la communication judiciaire, qui souhaite renforcer son expertise en recrutant des profils toujours plus variés et plus pointus. Parmi eux : des journalistes comme Philippe Manière, Isabelle Mas, ou encore Christophe Reille, des avocats, des juristes.

Pour ma part, j’apporte à Vae Solis vingt ans de carrière de communicante. J’ai commencé dans une radio locale corse, puis j’ai travaillé au sein d’un cabinet d’avocats avant de retrouver le journalisme pour l’administration pénitentiaire. Intégrer le milieu carcéral était… assez surprenant ! Mais cette administration a la particularité d’être attachante. C’est une micro-société dans laquelle entrent l’école, les médecins, etc. À cette époque, j’ai notamment coordonné le livre “La Prison vue de lintérieur” publié aux Éditions Albin Michel, qui avait pour ambition de permettre aux professionnels de raconter le quotidien de la prison au grand public.

J’ai ensuite intégré le ministère de la Justice en 2002, d’abord comme adjoint communication interne, puis comme conseiller en relations presse et organisation matérielle des procès médiatiques. Là-bas, en partenariat avec l’association de la presse judiciaire, nous avons élaboré une charte pour permettre des débats sereins dans les salles d’audience et optimiser le travail pour les journalistes judiciaires. Auparavant, chaque juridiction organisait à sa façon les relations avec la presse et la communication sur les affaires en cours. Faciliter le travail de la presse ne figurait pas vraiment parmi les priorités des magistrats. L’organisation matérielle consiste à gérer l’installation des salles de presse, rédiger les dossiers de presse, penser au respect du principe de publicité des débats ou encore autoriser les journalistes à détenir leur téléphone portable dans la salle d’audience – pour appeler leur rédaction ou pour twitter par exemple. J’ai aussi mis en place un appui à la communication des procureurs, en les entraînant pour le jeu de questions/réponses avec les journalistes par exemple. Avant d’arriver chez Vae Solis, je travaillais à la cour d’appel de Douai, troisième cour d’appel de France. Cette création de poste devait apporter une force vive pour gérer les problématiques de communication et décharger les magistrats contraints de prendre les rênes de la communication.

Les journalistes sont le seul vecteur qui permet au citoyen de comprendre le fonctionnement de la justice”

Vous avez aussi passé plusieurs années comme directrice de communication presse au Parquet national financier (PNF)…

Au Parquet national financier aussi, c’était toujours le même métier : aider la procureure à répondre aux journalistes et à organiser les rencontres avec la presse, pour permettre aux journalistes de mieux comprendre l’institution. C’est une juridiction unique en son genre. Juste après mon arrivée, en 2017, plusieurs affaires médiatiques ont éclaté : celles concernant des personnalités politiques de premier plan, comme François Fillon et Patrick Balkany, et d’autres moins connues du grand public comme l’affaire de la taxe carbone. La délinquance économique et financière soulève des questions complexes. Les journalistes ont de nombreuses interrogations : sur la peine, le fonctionnement du sursis, etc. Il faut également suivre le calendrier des audiences et prévenir les journalistes. Les journalistes sont le seul vecteur qui permet au citoyen de comprendre le fonctionnement de la justice. La justice a tout intérêt à montrer son travail et son fonctionnement. Puis j’ai vu émerger les premières conventions judiciaires d’intérêt public. Elles ont un fonctionnement particulier qui repose sur la négociation. L’audience finale sera relativement courte, une heure à une heure et demie pendant laquelle le juge s’assure de l’accord de chacun et de l’adéquation de la peine avec les faits, etc. Il faut publier un communiqué de presse une fois l’audience terminée. Avec la CJIP, on recherche un équilibre entre la publicité des débats et la préservation d’une certaine discrétion des négociations.

Quelle différence percevez-vous entre le secteur public doù vous venez et le secteur privé que vous retrouvez ?

La grande différence réside dans la professionnalisation de l’exercice. Dans l’administration, ce sont les grands corps, les magistrats en l’occurrence, qui sont au premier plan. À défaut de communicant, c’est le magistrat qui communique. À l’opposé, dans le privé, les fonctions communicantes sont considérées à part entière. Il existe une réelle professionnalisation des missions de communication. Côté public, la reconnaissance du métier en tant que tel prend plus de temps. Cela n’empêche que j’aborderai mes missions dans le secteur privé comme j’abordais celles du ministère, avec confidentialité et une confiance totale dans mes interlocuteurs.

Comment déterminer le caractère médiatique dun procès ?

Nous nous appuyons sur deux critères. Le premier tient dans le nombre de journalistes qui désirent assister à l’audience. Au procès de l’affaire du Carlton à Lille, près de 240 d’entre eux attendaient aux portes du tribunal. Là, on peut parler d’affaire médiatique. Nous pouvons nous appuyer par ailleurs sur le calendrier des audiences tenu par la presse judiciaire. On y retrouve les affaires et les dates d’audiences sélectionnées par cette association confraternelle.

Il est facile de penser vivons heureux, vivons cachés”, mais cela se révèle parfois inexact. Il est préférable danticiper et de dialoguer.

Comment se passent les relations avec les avocats ?

J’ai toujours travaillé avec les avocats. Ils sont amenés à solliciter une action de communication de la part du procureur, lorsqu’une fausse information circule par exemple. Dans le cadre d’un procès, pour l’organisation matérielle, je prends toujours l’initiative de consulter les avocats pour les informer de ce qui a été prévu et vérifier si cela leur convient. Nous travaillons en partenariat. Il en va de l’intérêt de chacun. Il faut que les débats se déroulent de façon sereine. Il y a nécessairement des interférences entre avocats journalistes et communicants judiciaires. C’est normal, chacun a son rôle à jouer. Il peut arriver qu’il faille apporter de la nuance aux propos qu’un avocat a pu tenir publiquement à propos d’une affaire. Encore une fois, de bonnes relations avec la presse le permettent.

Quels sont les défis de la communication de crise judiciaire, et quels sont les écueils dans lesquels ne pas tomber ?

Le principal défi sera de faire en sorte que Vae Solis soit encore plus reconnu à sa juste et vraie valeur, pour son expertise très ancienne, éprouvée de la communication judiciaire. Faire en sorte qu’il reste un incontournable, attendu pour son efficacité. Sur le plan personnel, je souhaite convaincre les personnes que l’on accompagne du caractère essentiel de l’anticipation. C’est une chose dont je suis convaincue après vingt ans de carrière. Il est facile de penser “vivons heureux, vivons cachés”, mais cela se révèle parfois inexact. Il est préférable d’anticiper et de dialoguer. Cela amène à soulever des points d’attention et à se donner la chance de prévenir ces points et d’apaiser les choses. Il faut veiller également à ce que soit considéré le caractère technique de notre activité. Il faut comprendre que c’est une branche distincte de la communication de crise. Comme la plupart des disciplines, la communication se spécialise. Cette perception progresse avec la judiciarisation de l’économie. Certains grands procès sont devenus économiques avec des sociétés sur les bancs des prévenus. Cela va de pair avec la montée en puissance du PNF, qui a permis d’identifier publiquement la grande délinquance économique. On constate aussi l’émergence des régulateurs comme la Cnil, l’AMF, qui pointent du doigt les entreprises pour telle ou telle raison, souvent complexe. C’est également un facteur de risque et cela demande une maîtrise de la communication judiciaire. Ce qui ne manque pas chez Vae Solis dont l’équipe aux compétences transversales est redoutablement efficace.

Quelle est lampleur de limpact des réseaux sociaux sur votre travail ?

Les réseaux sociaux ont évidemment un impact colossal sur notre activité, mais ils nous procurent un avantage : celui de voir tout de suite tout ce qui se dit et, donc, de réagir instantanément en conséquence. Par exemple, au cours du procès d’un homme accusé d’avoir “aidé” des patients âgés à mourir plus rapidement, une journaliste m’informe qu’un média a posté sur les réseaux sociaux un sondage sur la culpabilité du médecin. C’est interdit par la loi sur la liberté de la presse de 1881. J’ai pu intervenir et faire supprimer le post en question très rapidement. Les réseaux sociaux permettent également de détecter les tendances et donc ce qu’il faut anticiper. Il faut faire avec. C’est la réalité de la société dans laquelle on vit. Plus difficile à gérer que les réseaux sociaux, c’est la force du storytelling. Certains médias se sont spécialisés dans une pratique qui joue sur la temporalité : les informations sortent au coup par coup, article par article. Les médias sont en perpétuelle adaptation. Pour garder leur lectorat et leurs abonnés, ils changent constamment leurs méthodes. Le média sportif L’Équipe par exemple a créé une rubrique Police et Justice, juste après la création du PNF, pour relater les frasques financières des fédérations sportives notamment.

Propos receuillis par Anne-Laure Blouin

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