Tribune co-signée par Maîtres Clarisse Surin et Thomas Baudesson, candidats au co-bâtonnat au Barreau de Paris. 
Pourquoi la confidentialité des avis juridiques est-elle conforme à l'intérêt de la France ?
 
Aujourd'hui devrait être enfin adoptée à l'Assemblée nationale une proposition de loi visant à conférer aux avis juridiques émis par des juristes d'entreprises basées en France une protection comparable, quoique plus limitée, à celle qui existe déjà depuis plus d'un siècle dans tous les pays de common law (US, UK, Canada, Australie, etc.). Cette protection, qui rejoint, tout en restant spécifique et plus limitée, celle qui existe déjà en France pour les avis juridiques émis par des avocats, se heurte au corporatisme de ceux d'entre eux qui sont éloignés des préoccupations des juristes d'entreprises et pratiquent essentiellement le contentieux, ainsi qu'au conservatisme de certaines autorités d'enquête soucieuses d'éviter d'avoir à modifier leurs habitudes. Les opposants au texte ont développé un narratif erroné selon lequel les juristes d'entreprise ne manqueront pas d'utiliser cette nouvelle confidentialité pour, "par exemple", mieux organiser "des ententes illicites, des actions de concert ou des opérations de blanchiment" ! Il faudrait donc ne rien changer pour "la protection des Français" et de "l'ordre public économique". Cet argumentaire alarmiste semble avoir fait mouche auprès des députés du Rassemblement national, lesquels s'apprêteraient à voter contre l'adoption du texte, alors pourtant que celui-ci, contrairement à ce qu'ils pensent, renforce la souveraineté juridique nationale. C'est toute la difficulté de ce texte dont les enjeux sont malheureusement mal compris par les non-juristes, et même certains d'entre eux !

 

Alors pourquoi la confidentialité des avis juridiques, qu'ils soient émis par des avocats ou des juristes d'entreprise, est-elle conforme à l'intérêt de la France ? La réponse est très simple. Favoriser le respect par les citoyens de la règle de droit par le conseil et la mise en place de procédures et de mécanismes de contrôle destinés à éviter que cette règle ne soit enfreinte est l'intérêt de toute société évoluée. C'est tout l'enjeu de la compliance, et l'on peine à comprendre en quoi il ne serait pas dans l’intérêt de la France que tous les citoyens, personnes physiques et entreprises, respectent la règle de droit. Dans un environnement juridique complexe et globalisé, les entreprises ont plus que jamais besoin d'être guidées par ces spécialistes du droit que sont les avocats et les juristes d'entreprise, pour s'assurer qu'elles respectent bien la règle de droit et ne risquent pas d'être sanctionnées en France ou ailleurs, pour s'en être écartées. Or à l'instar de l'échange entre le médecin et son patient, l'échange entre le jurisconsulte et son client doit demeurer strictement confidentiel. Cette confidentialité des avis juridiques est l'un des fondement de l'Etat de droit.

 

Ensuite, mettre les juristes d'entreprise français au même niveau que leurs homologues anglo-saxons est un enjeu de souveraineté économique et d'attractivité pour la France. En effet, faute de disposer d'un outil comparable au legal privilege, dont disposent leurs homologues anglo-saxons depuis déjà fort longtemps, les juristes d'entreprise français sont condamnés à ne plus pouvoir communiquer par écrit. Or, les grandes entreprises françaises ne peuvent se satisfaire de méthodes d'un autre âge ou digne des pires dictatures et les juristes d'entreprise français ne doivent pas être des maillons faibles marginalisés au profit des juristes d'entreprise anglo-saxons. Quant aux autorités d'enquêtes américaines et britanniques, auxquelles les juristes d'entreprises locaux peuvent opposer la protection de leurs avis juridiques, elles ne semblent pas empêchées d'enquêter, loin s'en faut. Elles ne se plaignent pas davantage que le legal privilege prévalant dans leurs pays respectifs menacerait l'ordre public économique local !

 

La proposition de loi qui sera présentée aujourd'hui à l’Assemblée nationale est donc non seulement indispensable au renforcement de l'Etat de droit en France mais également à l'attractivité économique et juridique de la France.

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