Les femmes sont sous-représentées dans les métiers de la tech. Pire encore, la situation ne s’inverse pas. Un gâchis humain et économique dont il est stratégique de sortir estime dans cette tribune Katia Ouaret, directrice générale de la Wild code School.

Depuis plus de 20 ans, le constat s’invite de manière récurrente dans le débat public : les femmes sont significativement minoritaires dans les métiers de la tech. Dernièrement encore, un rapport du Haut Conseil à l'égalité entre les femmes et les hommes a évalué à 16% la part des femmes dans les professions du numérique. 16%... Même pas une personne sur six ! Cette sous-représentation est d’autant plus inacceptable qu’elle s’enracine d’année en année dans les statistiques, au mépris des avertissements réitérés par les acteurs de l’emploi, les entreprises et des pouvoirs publics. 

Les ressorts sont connus et renvoient essentiellement à des biais de représentation tenaces, sédimentés dès l’enfance. Selon une étude d’Ipsos menée en 2021, seules 37% des filles scolarisées envisagent de s’orienter vers une école d’informatique ou d’ingénieur, contre 66% des garçons. Pour les trois quarts d’entre eux, ceux-ci estiment avoir le niveau requis. Chez les filles, le ratio tombe à 48%. Ce, alors que les deux sexes obtiennent des résultats tout à fait comparables dans les matières scientifiques. 

Le bilan est là, peu glorieux : Avec un tiers d’étudiantes dans leurs rangs, les écoles d’ingénieurs françaises accusent le taux de féminisation le plus faible de l’enseignement supérieur.  Le divorce entre les filles et les disciplines scientifiques s’est encore trouvé récemment renforcé par un allié inattendu : la réforme du bac de 2019, qui a fait des mathématiques un enseignement de spécialité. En 2021-2022, les filles n’étaient que 26% à choisir la discipline en spécialisation. 

La réforme du bac a fait des mathématiques un enseignement de spécialité. En 2021-2022, les filles n'étaient que 26% à choisir la discipline en spécialisation

La faible représentation des femmes dans les filières scientifiques et numériques ne fait qu’accentuer la pénurie de talents dans un secteur d’activité en pleine croissance et où les entreprises peinent à recruter. Dans ces métiers de la tech comme dans de nombreux autres, se met en marche le même cercle vicieux. Moins les femmes sont présentes, moins les environnements de travail sont adaptés à leurs besoins et leurs attentes : ambiances sexistes, faiblesse des politiques anti-discrimination, inégalités salariales persistantes, culture du plafond de verre et freins aux évolutions de carrière… Autant de conditions qui repoussent les femmes encore un peu plus en dehors des frontières de ces métiers.

Il n’y a aucune fatalité dans cette relégation des femmes loin des métiers et des carrières du numérique. La programmation des premiers ordinateurs a été réalisée par des femmes, notamment des mathématiciennes expertes en calcul numérique. Jusqu’au tournant des années quatre-vingt-dix, l’informatique était pour les étudiantes une porte d’entrée privilégiée vers le métier d’ingénieure.  

Que faire pour infléchir la tendance et renverser cette désolante anomalie ? Faudra-t-il en venir aux quotas ?  Pourquoi pas. La lutte contre les stéréotypes et la promotion de l’enseignement scientifique auprès des jeunes filles constituent en tous cas les deux leviers les plus immédiatement actionnables. Et l’on voit de belles initiatives émerger : SocialBuilder, Elles bougent, Connected Women ou Femmes@numérique... 

La meilleure nouvelle qui soit pour les femmes comme pour les entreprises, c’est qu’aujourd’hui, l’accès aux métiers numériques n’est pas réservé aux diplômés des écoles d’ingénieurs ou même de l’Université. Et elles sont de plus en plus nombreuses, ces femmes de tous âges qui, après des parcours des plus divers, décident de s’orienter avec succès dans le développement, la data, le webdesign ou encore les métiers de la sécurité informatique. 

Les jeunes femmes manquent de mentors et de « role models » auxquels s’identifier pour se lancer dans ces carrières professionnelles. N’attendons pas des événements comme la journée internationale des droits des femmes pour mettre en lumière ces belles histoires de reconversion ! 

Alors que de nombreuses études ont mis en lumière la corrélation entre mixité des équipes et performance des activités, la sous-représentation féminine est un frein à la productivité et à l’innovation. C’est, surtout, un sujet d’intérêt général, une urgence qui relève de la responsabilité de tous les acteurs de la chaine de valeur éducative et de l’emploi. 

Katia Ouaret, Directrice générale de la Wild Code School

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