Gabriel Micheli, co-gérant des fonds Clean Energy et Timber, Pictet
Décideurs : Quel est le positionnement de Pictet en ce qui concerne le green business ?
Gabriel Micheli : Pictet a été parmi les premières banques à mettre en place une stratégie thématique. Nous avons ainsi lancé, dès 1995, un fonds dédié aux biotechnologies. Le succès d’un investissement thématique repose sur l’identification de mégatendances. Ces dernières se traduisent par des taux de croissance plus élevés que la moyenne et de fortes barrières à l’entrée. Elles sont moins sensibles aux variations ponctuelles des mouvements spéculatifs. |
L’environnement fait partie de ces tendances. Pictet a été l’un des premiers à s’intéresser à cette thématique dès 2000 à travers le lancement du tout premier fonds Water. Par la suite, nous avons lancé un fonds dédié aux énergies renouvelables (2007), un spécialisé dans l’industrie forestière (2008) et un autre sur l’agriculture (2009).
Décideurs : Depuis 2005, les énergies renouvelables sont en pleine expansion. Certains analystes craignent que ce secteur soit en train de former une bulle. Qu’en pensez-vous ?
G. M. : Non, je ne pense pas. Poussée par la démographie et la croissance, la demande en énergie est toujours plus forte. De plus, avec la raréfaction des énergies traditionnelles, les pays souhaitent pouvoir garantir leur propre autonomie en termes d’énergie. Enfin, avec le réchauffement climatique, la population et les pouvoirs politiques s’intéressent de plus en plus à l’environnement. Plusieurs facteurs, aussi bien économiques que politiques, plaident en faveur d’une transition énergétique.
Les énergies renouvelables sont une réponse à ces trois tendances. Il est donc normal que l’activité se développe fortement. En ce qui concerne la valorisation des sociétés, je ne pense pas qu’elles soient surévaluées.
La croissance prévisible largement au-dessus de la moyenne de ces prochaines années justifie des multiples légèrement plus élevés que ceux du MSCI World. À mesure que ces nouveaux marchés se développent, la baisse des coûts de ces énergies renforcera encore leur croissance, qui un jour sera indépendante de toute subvention.
Décideurs : Justement, quelle sont les performances des fonds green business ?
G. M. : Par rapport à l’ensemble du marché, elles sont bonnes. Depuis le lancement du fonds en mai 2007, l’indice MSCI World a perdu 24,5 %. Dans le même temps, notre fonds Clean Energy ne perdait que 21 %. Dans un environnement économique tendu, ces résultats sont encourageants.
Et si les fonds dédiés au green business connaissent un tel succès, c’est avant tout parce qu’ils sont rentables. Un investisseur ne choisit pas ces fonds seulement pour se donner bonne conscience. Malgré la crise, nous avons pu lever 720 millions de dollars pour le fonds Clean Energy et plus récemment 73 millions pour le fonds Timber.
Décideurs : Parmi les énergies renouvelables, quelles sont les plus prometteuses ?
G. M : Le solaire est celle qui a le plus de chance d’être mise en place à plus grande échelle. C’est de loin l’énergie la plus abondante sur Terre, la seule énergie renouvelable qui serait capable de remplir les besoins énergétiques du monde entier. À partir de 2015, l’énergie solaire aura le même coût de production que les sources d’énergie classiques dans certaines régions du monde. De plus, contrairement à l’énergie éolienne, le solaire est plus prévisible. Enfin, les technologies dans ce secteur ont le plus de potentiel de développement.
Une autre source d’énergie renouvelable est en train de se développer : l’énergie maritime. Pour cela, on peut exploiter soit la houle, soit les marées, soit les courants sous-marins. Mais pour le moment, cette énergie n’est pas encore en phase d’exploitation. Les coûts de production sont encore trop importants. Il s’agit plutôt de prototype. Ces solutions sont néanmoins intéressantes car elles produisent de l’énergie de façon relativement prévisible.
Décideurs : Utilisez-vous des critères environnementaux dans vos choix d’investissement ?
G. M. : Le choix des entreprises dans lesquelles nous investissons se fait avant tout sur des critères économiques. L’objectif de notre fonds est d’être performant. Néanmoins, pour notre fonds Timber, nous choisissons des sociétés qui exploitent la forêt de façon durable. Nous somme ainsi attentifs à la provenance des bois et aux technologies utilisées.