Certaines attaques contre la journaliste révèlent un fait politique majeur. La "nouvelle gauche" souhaite enfermer les minorités dans un rôle d’éternels opprimés. Malheur à ceux qui ne se fondent pas dans le moule ; ils sont violemment attaqués. Leur crime ? Casser le business communautariste et victimaire.

Si Twitter n’est pas toujours représentatif de la société, les clashs et polémiques qui se déroulent sur ce réseau social en disent long sur les travers de notre époque. Les récentes attaques contre la journaliste Sonia Mabrouk doivent à cet égard être observées, analysées et condamnées.

Le racisme des "anti-racistes"

Dans ses émissions ou dans ses livres, la journaliste combat toute forme de communautarisme et de repli identitaire. C’est le cas de son dernier ouvrage, Reconquérir le sacré, qui met toutes les religions monothéistes sur le même plan, ce qui conduit la native de Tunis à dire "du bien" du catholicisme.

Une position qui peut légitimement être critiquée sur le fond mais qui lui vaut des insultes racistes. La plus illustrative vient du compte Twitter de l’avocat Rafik Chekkat, proche des milieux indigénistes. Il qualifie la journaliste "d’égérie des identitaires", de "native informant", de personnalité instrumentalisée par l’extrême droite. Des attaques si xénophobes que son message a été supprimé de Twitter, pourtant adepte de la liberté d’expression depuis son rachat par Elon Musk. Pour Sonia Mabrouk, ces attaques ont un air de déjà-vu et une partie de l’intelligentsia française n’y trouve rien à redire. Il y a quelques années, un portrait de Libération l’accusait d’être "prête à tout pour plaire à de mâles et pâles mentors". En somme, pour certains, un individu issu de la diversité ne peut tenir qu’un seul discours. Sinon, il est forcément sous influence, rénégat ou traître à son sang.

Le club des renégats

La journaliste d’Europe 1 et de CNews pourrait monter un club dans lequel ferait partie Claire Koç, Rachel Khan, Zineb El Rhazoui, Linda Kebbab, Lydia Guirous, Fatiha Agag-Boudjahlat, Zhang Zhang, Abdoulaye Kanté ou encore Amine El Khatmi. Leur point commun ? Pour reprendre un horrible terme à la mode, ils sont « racisés ». Mais tous ont des parcours différents : certains sont nés en France, d’autres viennent d’ailleurs. Ils se réclament de droite, de gauche ou se revendiquent apolitiques. Quelques-uns sont issus de familles aisées, d’autres de milieux populaires. Ils travaillent dans les médias, sont syndicalistes, profs, journalistes, musiciens ou encore associatifs.

Au nom de l'antiracisme, on enferme les individus dans des cases ethniques et religieuses. Malheur à qui pense différemment !

Tous s’accordent sur un point : on ne transige pas avec l’universalisme républicain, la laïcité et le vivre-ensemble. Le vrai, pas celui qui consiste à faire vivre côte à côte des communautés ethniques et religieuses qui se revendiquent comme telles. Oui à l’émancipation, non à l’essentialisation et à la victimisation pavlovienne, clament-ils dans des livres, sur les réseaux sociaux, à la radio ou à la télévision. À leurs risques et périls.

Leur engagement a un prix. Dans leur vie quotidienne, ils sont harcelés, traités de "nègres de maison", d’"Arabes de service", de "fachos" et d’autres insultes plus stigmatisantes encore que la décence interdit de transcrire. Les attaques viennent souvent d’anonymes ou de militants indigénistes se réclamant de l’antiracisme.

La gauche coincée

Face à cette situation, une grande partie des intellectuels ou des dirigeants de gauche sont complaisants ou restent muets. Dans tous les cas, ils sont complices et coupables puisque, c’est bien connu, qui ne dit mot consent. Comment expliquer qu’un bord politique, jadis à l’avant-garde de l’antiracisme, adopte cette position ? Pour dire les choses simplement, ces défenseurs de la laïcité et de l’assimilation commettent le pire des crimes : ils cassent le business.

C’est désormais acquis, la gauche a perdu les classes populaires, notamment en dehors des grandes métropoles. Le premier tour de la dernière élection présidentielle en est la preuve. Selon l’Ifop, chez les électeurs qui ont un diplôme inférieur au bac, Marine Le Pen caracole en tête avec 35 % des voix, loin devant Jean-Luc Mélenchon qui recueille 14 %, soit 9 points de moins qu’Emmanuel Macron.

Une grande partie des dirigeants politiques et des intellectuels de gauche restent bien silencieux face à cette nouvelle forme de racisme...

Pour les stratèges de la gauche, si le peuple de la "France périphérique" ne veut pas d’elle, il lui faut trouver un électorat de substitution. Cap sur la "diversité" et les urbains bien-pensants avec un message assez simple : "La France est raciste, les minorités sont victimes mais, heureusement, nous sommes là." Une posture qui a connu un réel succès puisque LFI puis la Nupes ont triomphé dans les grandes villes et les banlieues en surfant sur ce procédé rhétorique. Point cocasse, les néo députés insoumis élus en 2022 dans des circonscriptions métissées sont souvent issus de la bourgeoisie franco-française.

Haro sur les déviants

Seul hic, une partie de la cible ne se laisse pas instrumentaliser et dit niet. Pour la nouvelle gauche, quiconque s’écarte de la doxa devient un ennemi à abattre. Il faut donc pilonner, traîner dans la boue et humilier publiquement ceux qui pensent mal. Au nom du "Bien" et d’un avenir radieux. En réalité, il s’agit d’obtenir une hégémonie culturelle, de contrôler la nouvelle génération et de construire des bastions électoraux imprenables. Ce qui suppose d’interdire aux "concerné.e.s" perçus implicitement comme une masse dépourvue d’esprit critique de s’écarter de la voie qui est tracée pour elle. Ce qui, convenons-en, est un bel exemple de racisme…

Lucas Jakubowicz

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