Les électeurs sont de plus en plus tolérants et sont majoritairement prêts à voter pour un candidat à la présidentielle assumant son homosexualité. Mais certaines catégories font de la résistance.

Voici deux informations que même les ermites doivent connaître tant elles sont serinées depuis plusieurs jours. À 34 ans, Gabriel Attal est le plus jeune premier ministre de l’Histoire, tout en étant également le premier à ne pas faire mystère de son homosexualité.

Pour certains, cette nomination marque la fin d’un plafond de verre. Mais les Français seraient-ils prêts à élire un président de la République LGBT ? L’Ifop a voulu répondre à cette question dans l’étude "Le regard sur la visibilité de l’homosexualité en politique" publiée le 17 janvier à l’occasion de la sortie de l’ouvrage Sortir du placard : LGBT en politique de Sonia Tir chez Fayard.

Les Français sont tolérants

Premier enseignement de l’étude, 80 % des électeurs ne seraient pas choqués par le fait d’avoir un président de la République ouvertement gay ou lesbienne. Par rapport aux études précédentes, l’évolution est tangible. Ainsi, en 1981, la proportion n’était que de 30 % contre 37 % en 1987, 46 % en 1997 ou 73 % en 2002. Logiquement, 78 % d’entre eux se déclarent "peu ou pas du tout gênés pour voter en faveur d’un candidat LGBT".

80% des électeurs ne seraient pas choqués par le fait d'avoir un président de la République ouvertement gay ou lesbienne

Clivage générationnel ?

Aux yeux du grand public, il existe un cliché selon lequel plus on est vieux et plus on est susceptible d’être "choqué" par le fait d’installer un LGBT à l’Élysée. L’Ifop confirme un (très léger) clivage générationnel mais uniquement chez les plus de 65 ans qui sont 26 % à s’estimer choqué par un candidat LGBT, soit seulement 6 points de plus que la moyenne. Pour les autres catégories d’âge, la tolérance semble de mise : 16 % chez les 25-35 ans, 18 % chez les 18-24 ans ou les 50-64 ans, 19 % chez les 35-49 ans.

Gauche ou droite : quel bord est le plus tolérant ?

En matière de positionnement politique, une idée reçue demeure : les électeurs de droite sont réputés plus conservateurs et plus rétifs à l'idée que l'Elysée soit occupé par un gay ou une lesbienne. Qu’en dit l’Ifop ?

De loin, les Français se définissant comme "à l’extrême droite" sont le moins ouverts sur cette question : le taux de « choqués » monte à 37 % chez les Français se positionnant à l’extrême droite, il monte même à 42 % pour les électeurs d’Éric Zemmour.

Mais surprise, les partisans de l’extrême gauche sont 25 % à trouver « choquant » qu’un président de la République soit homosexuel. C’est autant que ceux se définissant "de droite" soit LR, le parti qui s’est opposé au mariage pour tous. Les écologistes sont les plus "LGBT friendly" puisque seulement 4% de leurs électeurs se déclarent "assez ou très gêné" de voter pour une personne qui n’est pas 100% hétérosexuelle.

La religion, facteur d’hostilité

"Finalement, la variable qui permet le mieux d’expliquer le rejet d’un candidat LGBT est la variable religieuse", explique à Décideurs Magazine François Kraus, directeur du pôle Politique/Actualité à l’Ifop. De fait, si 12 % des athées trouvent "choquant" qu’un président de la République soit homosexuel, la proportion monte à 44 % chez ceux se qualifiant de "croyants et religieux".

En la matière, toutes les religions ne sont pas logées à la même enseigne. Avec 25 %, les catholiques ne se distinguent guère de la moyenne nationale. Ce qui n’est pas le cas des musulmans : 54 % d’entre eux trouveraient "choquant" d’être représenté par un chef d’État ouvertement homosexuel. À noter le score élevé des protestants (33 %). Selon François Kraus, "il s’explique par la forte proportion d’évangéliques qui sont très traditionalistes sur les questions de mœurs".

57 % des musulmans se déclarent "gênés ou assez gênés" pour voter en faveur d'un candidat ouvertement homosexuel à la présidentielle de 2027

C’est cet électorat religieux qui explique pourquoi l’extrême gauche comporte une frange non négligeable de son électorat conservatrice sur le plan des mœurs. "L’électorat d’extrême gauche, notamment chez Jean-Luc Mélenchon, comporte une surreprésentation de musulmans et d’évangéliques, ce qui explique que leur point de vue soit similaire à la droite", analyse François Kraus. Du reste, 57 % des musulmans interrogés se déclarent "gênés ou assez gênés pour voter en faveur d’un candidat ouvertement homosexuel à la présidentielle de 2027". 

L’intersectionnalité des luttes à du plomb dans l’aile

Un sujet qui devrait préoccuper la nouvelle gauche française qui est de plus en plus adepte de l’intersectionnalité des luttes qui consiste à bâtir une majorité sur une coalition de minorités, qu’elles soient ethniques, religieuses ou sexuelles. "Si un jour Gabriel Attal ou un candidat LGBT de gauche se retrouvent au second tour d’une présidentielle face à un candidat de droite ou d’extrême droite, comment votera l'électorat musulman ?", questionne le sondeur qui remarque également ce type de hiatus sur le plan de l’IVG. Sur la question LGBT, le candidat le plus "musulman compatible" est Éric Zemmour. Un sacré paradoxe !

Méthodologie : L’enquête a été menée auprès d’un échantillon de 2 003 personnes, représentatif de la population vivant en France métropolitaine âgée de 18 ans et plus. La représentativité de l’échantillon a été assurée par la méthode des quotas (sexe, âge, profession, niveau d’éducation) après stratification par région et catégorie d’agglomération. Les interviews ont été réalisées par questionnaire auto-administré en ligne du 20 au 24 juillet 2023 (soit avant la nomination de Gabriel Attal à Matignon).

Lucas Jakubowicz

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