Ils sont jeunes et pourtant leurs travaux pèsent déjà dans le monde académique et économique en France, mais aussi, pour beaucoup, à l’étranger. Les résultats de leurs recherches viennent nourrir le débat public qui, pour être de qualité, doit s’appuyer sur des éléments factuels et des analyses poussées.

Julia Cagé, l’engagée médiatique

JuliaCagé

Julia Cagé est connue pour ses travaux sur la démocratie et plus particulièrement sur l’indépendance des médias. L’économiste de 39 ans s’exprime régulièrement sur le financement de ces derniers, gage ou non de leur indépendance. "L’indépendance des médias est une information financée par ceux qui la consomment", déclarait-elle en 2022 à Basta!. La professeure et chercheuse au département d’économie de Sciences Po ne se cantonne pas à la dénonciation des pratiques douteuses, elle avance des solutions pratiques, notamment dans ses ouvrages. Elle œuvre également en tant que présidente de la Société des lecteurs du journal Le Monde. Son travail est reconnu. Titulaire d’un doctorat en économie de Harvard, elle a notamment reçu le prix du meilleur jeune économiste 2023 remis par Le Monde et le Cercle des économistes, ex aequo avec Vincent Pons, également cité ci-dessous.

Xavier Jaravel, humain en capitale

Jaravel

En février, la Première ministre Élisabeth Borne confiait la présidence du comité d’évaluation du plan France Relance à un économiste de 33 ans. Xavier Jaravel devra publier un rapport à l’automne 2023, document dans lequel il proposera une évaluation détaillée de l’impact socio-économique et environnemental des mesures du plan de relance français post Covid. Une mission en ligne avec l’expérience de celui qui est professeur d’économie à la London School of Economics and Political Science et dont les recherches portent sur la croissance inclusive, l’innovation, le commerce international et les inégalités. Titulaire d’un doctorat de Harvard et diplômé de Sciences Po, il a exercé en tant qu’inspecteur des finances et a contribué à créer le pôle économique de l’Inspection générale. Xavier Jaravel figure dans le top 10 des jeunes économistes universitaires les plus cités dans le monde, selon le classement IDEAS/RePEc 2022.

Vincent Pons, l’ami américain

Pons

C’est ce que l’on appelle un cursus honorum qui pèse lourd : ENS, MIT, statut de professeur associé à la Harvard Business School et prix 2023 du meilleur jeune économiste décerné par Le Monde et le Cercle des économistes (ex aequo avec Julia Cagé également présente dans ce dossier). Les travaux de Vincent Pons portent essentiellement sur le fonctionnement de la démocratie, son financement, les déterminants de la participation électorale, mais aussi les interrogations quant à l’adéquation entre les attentes des électeurs, les politiques annoncées, celles mises en œuvre et leurs effets. Mélangeant données économiques, taux d’abstention, parcours des responsables, il note un "affaiblissement démocratique" qui explique en partie la croissance des partis populistes. En plus d’un diagnostic clair et précis, il propose toute une batterie de solutions pour réconcilier dirigeants et citoyens. Ce qui lui permet de faire passer ses conseils dans les états-majors de nombreux partis. Seront-ils bientôt suivis d’effet ?

Stefanie Stancheva, fiscaliste citoyenne

Stancheva

icence à l’université de Cambridge, maîtrise à Polytechnique, master à l’EHESS, doctorat en économie au MIT, Stefanie Stantcheva est passée par les écoles et les universités les plus prestigieuses. Désormais professeure d’économie à Harvard, celle qui a fondé le Social Economics Lab étudie les questions de fiscalité et de redistribution. Son but ? Comprendre les effets à long terme de la politique fiscale sur l’innovation, l’éducation et la richesse. "Sa méthode remet le citoyen au cœur de la discussion", disait d’elle aux Échos Jean-Hervé Lorenzi. Si, en 2020, cette trentenaire d’origine bulgare est devenue la deuxième Française, après Esther Duflo, à recevoir aux États-Unis le prix Elaine-Bennett, on dit d’elle qu’elle se montre accessible, simple et enthousiaste. Toujours en 2020, elle a fait partie de la commission mise en place par Emmanuel Macron et chapeautée par Jean Tirole et Olivier Blanchard, pour travailler sur le climat, les inégalités et la démographie. Reconnue par ses pairs, Stefanie Stantcheva n’a pas fini de faire parler d’elle.

La majorité de nos jeunes économistes les plus brillants fait carrière à l'étranger...

Michael Zemmour, l’opposant

Depuis plusieurs mois, Michaël Zemmour s’est imposé comme l’une des figures de l’opposition à la réforme des retraites. L’enseignant-chercheur n’hésite pas à monter au créneau dans les médias pour démontrer que le texte porté par le gouvernement Borne n’est pas la réforme économique et sociale juste et nécessaire qu’elle prétend être. L’une des annonces qu’il a le plus critiquées : la garantie d’une pension minimale de 1 200 euros qui ne concernerait en réalité pas tout le monde, faisant miroiter aux retraités une amélioration de leurs revenus. Le presque quadragénaire connaît ces sujets pour avoir étudié l’économie politique du financement de l’État social. Maître de conférences à l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne et codirecteur de l’axe "Évaluation des politiques socio-fiscales" du LIEPP (Sciences Po), il travaille notamment sur l’usage des dépenses fiscales et les niches dans les politiques sociales et de l’emploi en France et en Europe ou encore sur l’évolution des cotisations dans le financement de la protection sociale sur le Vieux Continent.

Gabriel Zucman, pourfendre l’injustice

Zouk

Début mai, Gabriel Zucman se voyait décerner la prestigieuse médaille John Bats Clark par l’Association américaine d’économie (AEA) pour ses « réalisations impressionnantes » sur l’évasion fiscale mais aussi sur la montée des inégalités. Célèbre aux États-Unis, le Français né en 1986 et coauteur du livre Le triomphe de l’injustice a contribué au programme économique de Bernie Sanders pendant la présidentielle de 2020. Ce professeur à l’École d’économie de Paris – dont il est titulaire d’un doctorat –, à Normale Sup et l’Université de Californie à Berkeley a notamment développé des méthodes pour mesurer la richesse détenue dans les paradis fiscaux. Ces recherches montrent qu’environ 8 % de la richesse financière des ménages dans le monde y est placée. Elles révèlent également que 40 % des bénéfices des multinationales sont transférés vers les paradis fiscaux. Des mouvements qui entraînent des répercussions sur la redistribution entre les pays et les groupes sociaux. De quoi nourrir les débats sur l’imposition.

Olivia Vignaud, Lucas Jakubowicz

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